Articles publiés | Multitudes n°26

Le palais de Justice de Nouvel ou la ré-écriture de la modernité contrariée : nous ne voyons plus que ce qu’il y a de représenté.

Un concept dans le champ contemporain architectural, la fonction, continue d'encadrer toute création architecturale de manière à légitimer la forme en affirmant "ceci n'est ni gratuit (formel) ni fortuit" (décoratif) sans voir toutes les difficultés que ce type de phrases soulève1. On continue de justifier par habitudes une architecture par ces mots d'ordre. La fonction et le discours rationnel qui la sous-tend a ses lois dont la validité n'est plus contestée ni par les avant-gardes qui ne la considèrent plus alors qu'elle continue de s'affairer sous leur propos, ni par les vaillants défenseurs d'un modernisme et de son style international que ses inventeurs n'ont cessé de faire vasciller. Comme Mies Van Der Rohe quelques décennies plus tôt, l'architecte français Jean Nouvel situe l'architecture au delà du fonctionnalisme en écrivant une modernité "affranchie du besoin et de l'esclavage de la nécessité"2 fonctionnelle. Tandis que l'architecture de Mies pose les enjeux de la limite entre le dehors et le dedans comme déterminant dans l'essence même de l'architecture3, le palais de justice de Nantes de Nouvel pose clairement une autre dimension de la limite: celle d'une représentation du pouvoir qu'une architecture symbolise (fonction symbolique). Sa volonté4 tend la forme spatiale à donner une lisibilité sémantique efficace : le palais devient le média entre un pouvoir (celui qui communique) et les sujets (qui réceptionnent l'information) dans son intention de re-écrire la modernité.
Nouvel s'emploie consciencieusement à répondre aux exigences fonctionnelles des deux ordres. Les usages corporels, ces finalités fonctionnelles sont le sujet d'une rigoureuse et triviale adéquation au programme mais leurs réponses ne suffisent pas à rendre compte de la complexité des agencements spatiaux qui font œuvre. Pour la comprendre, une fois évité l'écueil d'une réponse exclusivement fonctionnelle, le palais fait le procès de l'utile dans un autre régime que celui des besoins, celui du sens.

Lire la suite...

Nouvel’s Law Courts or: the Re-writing of Modernity Frustrated: we see more than what is represented

One concept in the contemporary architectural field—function—still enshrines all architectural work in such a way as to legitimize form by asserting that: “…this is neither gratuitous (formal) nor fortuitous (decorative)”, without seeing all the difficulties that this type of sentence gives rise to.1 Out of habit, people go on justifying an architecture by way of these watchwords and slogans. The function and the rational discourse which underpin it have their laws, whose validity is no longer disputed either by the avant-gardes, who no longer give it any consideration, while it continues to busy itself beneath their ideas, or by the valiant champions of a modernism and its international style which its inventors have been forever causing to waver. Like Mies Van Der Rohe, some decades earlier, the French architect Jean Nouvel places architecture beyond functionalism by writing about a modernity “freed from the need and bondage of [functional] necessity”2. While Mies’s architecture posits the challenges of the boundary between outside and inside as decisive in the very essence of architecture3, Nouvel’s Law Courts in Nantes clearly posit another dimension to this boundary: that of a representation of power which an architecture symbolizes (symbolic function). Its will4 stretches the spatial form to give an effective semantic readability: the court building becomes the medium between a power (which communicates) and its subjects (who receive the information) in its intent to re-write modernity.
Nouvel conscientiously strives to respond to the functional demands of both orders. Physical uses—those functional end purposes—are the subject of a rigorous and trivial compatibility with regard to the programme, but their responses are not enough to describe the complexity of the spatial arrangements at work. To understand this, once the pitfall of an exclusively functional response has been sidestepped, the court building puts usefulness on trial in a chord other than that of needs—the chord of sense.

Read more...