Articles publiés | ARK n°2

Plan de consistance

Il y a plusieurs façons d’écrire. Selon une libre pensée ou selon un plan. Une libre pensée articulée dans un moment de fulgurance de la pensée ne connaît pas d’adversaire. Les idées deviennent claires et leurs logiques  limpides pour ouvrir de nouvelles voies. De nouvelles lignes d’écrits apparaissent, ne représentant plus le monde mais le déversant sur un nouveau plan de consistance. Le monde s’effectue alors sur ces nouveaux récits. Ce mode d’écriture, presque miraculeux, connait bien des dangers ; le plus courant étant celui de tomber dans un trou noir. La pensée se déploie alors dans une succession d’histoires incohérentes. Le fil est perdu, le labyrinthe reprend son caractère effrayant. Pour éviter cet écueil, très souvent la raison appelle à planifier la pensée. Faire un plan pour distribuer temporellement les choses et les évènements en les articulant et les ordonnant selon un ordre et une hiérarchie. Le plan peut prendre des formes dialectiques ou non.

Trop souvent, le récit dans lequel se déploient les idées rend compte d’une intention trop codée. Nous sommes ensevelis sous une masse d’énoncés avec des propositions usitées par leur mise en échange automatique et spontanée dans la machine communicationnelle. Intégration, durabilité, contextualité… autant d’états de fait du monde qui passent pour des états de droits ne posant pas la genèse de leur opération et avec lesquels finalement la présence de toutes espèces d’architectures cohabitent en se réclamant de ces axiomatiques inventées par la mondialisation des marchés et réclamés par les états occidentaux et émergents. Tout est rendu possible à partir du moment où l’architecture rentre dans le cycle de l’échange. Nous sommes rentrés dans l’ère du relativisme absolu. L’ « ici et maintenant » de Lyotard expliquant les nouvelles formes de langage  et de savoirs devient l’axiomatique des  énoncés portant sur l’architecture. Ce qui était encore une histoire d’avant-garde dans laquelle la perspective historique a jouée son rôle médiateur entre les différents acteurs (les Blancs, les Gris, le déconstructivisme, les néo-rationnalistes…) se transforme trente ans plus tard en formes discursives opérant directement sur la valeur morale d’une ré-organisation politique de l’acte de construire l’avenir. Formes discursives dont la légitimité n’est plus discutée. Tout est acté sans questionner la solvabilité de ces discours dans la pragmatique. Les plans langagiers s’articulent sans aucune forme d’enquêtes sur leurs articulations. Le labyrinthe s’est reformé sans possibilité de distinguer quoi que ce soit dans cette inextricable maille langagière1.

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